Matthew Lutz-Kinoy

Goat of Paradise

Diptyque vidéo, couleur, 1er écran 12'20'', 2e écran 12'36'', 2021

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La caméra du diptyque vidéo Goat of Paradise (Chèvre du paradis) promène un regard indolent sur une Suisse bucolique, passant à l’orée de forêts et dans des champs lovés sur le flanc de montagnes majestueuses. Le calme semble imperturbable et immémorial. Le format longiligne des écrans permet à l’artiste de reproduire l’esprit de la peinture alpestre traditionnelle suisse, où longues processions de bêtes et d’hommes mis bout à bout traversent l’image. Cette suite de perspectives solennelles n’est brouillée que par les costumes des vaches et des chèvres qui y font irruption: en effet, les animaux portent de drôles d’accoutrements hybrides, entre couronnes de fleurs d’usage aux désalpes et crochet contemporain. Matthew Lutz-Kinoy a travaillé avec les stylistes new-yorkais d’Eckhaus Latta pour réaliser ces vêtements, pensés tout spécialement pour ce projet. Entre macramés, patchworks bariolés et ceintures de tissus tressés, on découvre un univers qui balance entre artisanat classique et déstructuration contemporaine.

Le remarquable travail de cadrage passe de plans larges à des prises de vues très resserrées et découpées, permettant de découvrir les costumes dans un esprit proche d’un film de mode où chaque pièce rendrait hommage à l’artisanat textile traditionnel suisse. Instants saugrenus: dans l’un des films un fromage de chèvre, dans l’autre une pièce de monnaie locale déboulent dans l’image comme s’ils dégringolaient la montagne pour surprendre le spectateur et lui faire un clin d’œil cocasse.

Œuvre produite par le Fonds cantonal d'art contemporain, Genève.

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Véronique Goël

Lauren Huret

©Matthew Lutz Kinoy_photoarchiveskamelmennour

Matthew Lutz-Kinoy (né en 1984 à New York) utilise une grande variété de médiums, dont la sculpture, la gravure, la céramique et la peinture, mais aussi la vidéo. Il approfondit ces techniques grâce à l’expérience personnelle et pratique qu’il en fait, mais aussi au gré des rencontres artistiques qui lui ouvrent la porte de nouveaux procédés.

Il cultive un esprit de collaboration indispensable à l’élargissement de ses connaissances et compétences, l’étendue des références utilisées dans ses œuvres résultant ainsi de nombreuses collaborations. Alors que ses céramiques sont influencées par des artistes complices en Europe et au Brésil, et qu’il travaille régulièrement avec les stylistes de mode de la marque Eckhaus Latta, ses peintures grand format révèlent sa fascination pour le style raffiné et charnel de la peinture du XVIII^e siècle.

Cependant, le cœur de pratique de Lutz-Kinoy est la performance. Puisant dans l’histoire des pratiques queer et collaboratives, ainsi que dans sa formation en théâtre et en chorégraphie, son travail performatif explore des récits de constructions identitaires et de vécus dans l’espace social. En remettant en jeu sa propre position d’artiste, Lutz-Kinoy se repositionne sans cesse dans sa pratique. Cela lui permet de manipuler et de diriger son travail tout en déstabilisant son rôle d’artiste.